Histoire & Patrimoine

HISTOIRE LOCALE DU XX SIECLE

Henri BLUM (25 Mai 1884 / 7 Août 1959)

  • INTRODUCTION

J’ai toujours intrigué par le nom d’Henri BLUM qui figure sur le Tableau des Maires, que l’on doit à Antoine PEREIRA (dit Tonio) installé au rez-de-chaussée de la mairie, en effet Henri BLUM a été élu 2 fois maire de Seraincourt dans une période assez troublée de l’Histoire de France.

En 2016, Mme Maurice m’a présenté des écrits sur Henri BLUMque lui avait confié un agriculteur de Rueil, je les ai trouvé très intéressants et j’ai pensé qu’il y avait là « matière » pour faire un article dans la rubrique histoire du Bulletin Municipal.

Au mois de mars 2017, le 20 plus précisément, lors d’une réunion improvisée par l’équipe municipale actuelle où nous devions parler approbation du PLU (j’avais beaucoup de questions à poser qui sont restées sans réponse), Mme Maurice m’a demandé quand je commencerai le Bulletin Municipal de juin (paru en septembre) j’ai répondu « prochainement et que j’aimerai faire un article sur Henri BLUM »,sur ce, son plus proche collaborateur m’a interrompu et a dit sur un ton martial «Non, c’est « MOI » qui ferai cet article sur Henri BLUM »comme je ne suis pas contrariant et vu que j’étais seul face à la garde rapprochée de Mme Maurice, j’ai répondu, « mais pas de problème cher ami ».

Malheureusement, le résultat n’a pas été à la hauteur de mes espérances, celui-ci, nous ayant composé un « patchwork »fait de lettres de remerciements mondains, mais sans liant et d’une tristesse déconcertante ! sans faire ressortir l’essentiel du personnage qu’était Henri BLUM, personnellement je suis resté sur ma fin et vous ? Avez-vous compris quelque chose dans cet article (voir P.J.)? Alors je prends ma plume pour donner une idée de ce qu’aurait été l’article si je l’avais écrit et ma vision d’Henri BLUM en développant son côté industriel et sa richesse humaine.

  • MOISE (DIT HENRI) BLUM – LES ORIGINES

Le vrai prénom de M. Henri BLUM est Moïse, il est né le 25 Mai 1884 à Charmes et décédé le 7 Août 1959 à Paris, c’était le fils d’Anna et Alexandre BLUM (1855) notaire à Charmes dans les Vosges (88), mais la famille était originaire de Quatzenheim dans le Bas-Rhin (67) à l’ouest de Strasbourg, pour ceux qui suivent l’actualité c’est le village dans lequel le cimetière juif a été profané le 20 février 2019. Comme vous le savez, après la guerre de 1870, l’Allemagne de Bismarck annexa l’Alsace et la Moselle et nombreux furent les Alsaciens, qui voulant rester français, ont émigré dans les départements limitrophes, à Paris, en Algérie voir parfois même encore plus loin.

Henri eut un frère cadet Charles (Bernard) BLUM et une sœur Renée Weill. Henri fit des études de droit et son frère Charles des études scientifiques c’était un ancien élève de  l’école Polytechnique (X promotion 1905).

Il épousa Sara Andrée (née le 4 Juin 1892) et ils eurent 5 enfants (Simone Weil; Marie Anne Lévy-Schwob; Jacques BLUM; Jean Pierre BLUM; Annette Romette),

Je ne reviendrai pas sur les années de la guerre 14/18 ou il s’illustra et obtint la Légion d’Honneur (grade chevalier) mais c’est avec son frère cadet Charles qu’il va vivre une aventure industrielle hors du commun (pour la France) dans le domaine automobile et en particulier celui des véhicules industriels, En effet, ce dernier compris très rapidement que les véhicules à moteur thermique (voitures, camions, tracteurs) auraient un bel avenir devant eux.

  • HENRI BLUM – L’INDUSTRIEL

Cette aventure industrielle est le fruit de l’association d’un génie de la mécanique Georges LATIL(et son frère Lazare) et d’un génie de l’industrialisation et de la finance Charles BLUM, le frère d’Henri.

Tout commence en 1897, lorsque Georges LATIL (1878-1961) un ingénieur marseillais brevette le principe d’une transmission permettant d’actionner les roues à la fois motrices et directrices, procédé nommé « L’Avant-Train Latil ». Un an plus tard, il commence à construire des voitures et développe la traction avant sur le camion LATIL.

Cette transmission était constituée d’une sphère dans laquelle étaient pratiquées deux rainures circulaires se croisant à angle droit et dans lesquelles s’engageaient deux chapes appropriées solidaires des arbres à relier. C’était le cardan à rotule Il fut le concepteur du premier véhicule tout terrain, à quatre roues motrices le 4 x 4.

En juillet 1905 est fondée à Levallois-Perret la « Compagnie Française de Mécanique et d’Automobile Avant-Train Latil« , puis avec l’arrivée au capital de Charles BLUM, (qui apporte la somme de 1.200.000 francs). Les usines de la Rue Neuve-de-Villiers, à Levallois-Perret, vont subir de vastes agrandissements. Pour Charles, l’industrie automobile est promise à un grand avenir et les frères LATIL (Georges et son frère Lazare) sont de bons techniciens et de bons vendeurs. Charles  dispose d’importants moyens financiers et sauve de la faillite les frères LATIL.

En 1912, Charles BLUM, crée une société distincte, la Compagnie Générale d’Entreprises Automobiles » (CGEA), qui est une entreprise de services chargée d’acheter, de vendre, d’entretenir et d’exploiter un parc de véhicules industriels équipés de l’avant-train LATIL.

En 1913, LATIL conçoit le TAR, un tracteur à quatre roues motrices et directrice pour tracter les machines d’artillerie militaire.

En 1921, la CGEA se voit attribuer par la ville de Paris le marché de ramassage des ordures ménagères. Elle assure un service de location de camions à diverses entreprises comme les messageries Hachette, la Samaritaine et dans les transports en communs.

Nota : Jusque dans les années 90 on voyait le signe CGEA sur les bennes à ordures puis elle a été intégrée dans la Général des Eaux, qui est devenue Connex puis Veolia et maintenant Sepur.

Le 22 novembre 1928, la société « Ch. BLUM & Cie » est transformée en société anonyme, sous la dénomination de « Automobiles Industriels LATIL », avec pour siège social le 8, quai du Maréchal-Gallieni à Suresnes (Seine), Henri BLUM est membre du Conseil d’administration.

En 1930 LATIL lance un tracteur (voir ci-dessous) pour canon de 25 anti-char, l’ancêtre de la Jeep.

En 1939, Georges LATIL, directeur commercial de la firme, se retire des affaires, très affecté par la mort de sa femme. Ce grand pionnier du véhicule utilitaire vécut ses dernières années, paisiblement, dans un petit mas près de Nice. L’entreprise LATIL poursuivit son chemin, dirigée d’abord par Charles BLUM, puis par Henri BLUM.

La CGEAétait l’une des affaires françaises les plus solides. Les actions LATIL étaient cotées à la bourse de Paris. Cependant, la CGEA, société réputée israélite, s’est retrouvée en 1941 sous administration judiciaire, elle fut « aryanisée ». Les actionnaires juifs, dont Charles et Henri BLUM qui détenait la majorité des actions, furent obligés de vendre leurs titres à bas prix et les principaux administrateurs fuirent aux Etats-Unis. Les biens israélites furent saisis et vendus. Les actions ont pu être rachetées par des sympathisants à seule fin de les rendre à leurs propriétaires en des jours meilleurs. Les Allemands réquisitionnèrent l’industrie automobile pour satisfaire leurs besoins militaires (la Wehrmacht était équipée de véhicules LATIL). A la fin de la guerre, on procéda à une augmentation de capital qui permit à la fois aux acheteurs de garder leur mise et auxactionnaires d’origine de reprendre leur bien.

En 1955, les Automobiles Industriels LATIL et la branche Poids Lourds de plus de 5 tonnes de la Régie Nationale des Usines Renault (RNUR) fusionnaient avec la Société d’Outillage Mécanique et d’Usinage d’Artillerie (SOMUA) donnant naissance à la SAVIEM.

Si, la plupart d’entre-nous ne connaissons pas LATIL, en revanche la SAVIEMest un nom plus parlant pour les plus de 60 ans, Henri BLUM en était actionnaire.

En 1959, Pierre Dreyfus le PDG de la régie Renault décida de reprendre le contrôle de la SAVIEM par le rachat des actions de la famille BLUM actionnaire de LATIL.

  • Henri BLUM – L’homme politique

Henry BLUM, qui avait une propriétaire à Biozat dans l’Allier (03) et qui par ailleurs était le neveu d’Abraham Schrameck, ancien ministre, sénateur des Bouches-du-Rhône, fût candidat malchanceux aux élections législatives de 1928 dans la circonscription de Gannat (03), sous l’étiquette du « Parti  Républicain Socialiste » puis en 1932 sous l’étiquette du « Parti Radical Socialiste » comme son homonyme Léon BLUM (Président du Conseil et député de l’Aude, on lui doit les congés payés….).

Henri qui avait réussit sur le plan financier était sensible à la pauvreté des ouvriers et paysans, après le crack boursier de Wall Street en 1929, l’onde de choc se propagea dans toute l’Europe créant une crise sans précédent, le chômage gagnait les villes et les campagnes, c’est pour cette raison qu’il offrit une rente à la famille ouvrière ou paysanne ayant le plus grand nombre d’enfants et à la fille-mère la plus intéressante (un avant gardiste)….de l’arrondissement de Gannat c’était sa tsedaqah (1) à lui.

Dans une lettre (reprise dans le B.M. sept-2017 page 19) Henri BLUM écrivait à M. Poquet Président du Comité Agricole de Gannat (03) ce qui suit :

En regrettant que le mauvais logement des domestiques de ferme soit un des éléments qui les poussent à la ville et rende difficile la main d’œuvre agricole, je mets à votre disposition 2 prix, l’un de 3000F, l’autre de 2000F qui seront attribués par vos soins et selon une méthode à déterminer, à l’exploitation agricole de l’arrondissement où les domestiques seront le mieux logés et les mieux traités. La confiance étant revenue dans notre beau pays, c’est par une production intensive que nous arriverons à un rétablissement total. Cette production, ce sont les enfants et c’est la terre qui en sont les seuls éléments solides. C’est pourquoi dans la mesure de tous mes moyens, j’essaye de contribuer à l’œuvre commune. Ma récompense sera d’avoir pu aider à la réussite. Voilà ce qui nous semble des mesures économiques et sociales révélant le vrai Républicain Socialiste, soucieux des problèmes économiques.

  • Henri BLUM – Maire de Seraincourt

Henri BLUM qui était devenu le propriétaire du château de Rueil à la suite de Pola NEGRI, était un homme lettré et influent il fût élu maire de Seraincourt le 28 nov. 1937 à l’âge de 53 ans. Cette année il y eu une « Exposition Universelle » à Paris sur le champs de Mars, tout le monde se souviens des standards de l’Allemagne Nazie faisant face au stand de l’Union soviétique annonçant 2 antagonismes qui allaient s’affronter quelques années plus tard. A la fin de l’exposition, il récupéra un chalet en bois aux allures de chalet suisse que certains disent être le pavillon de la bijouterie d’autres le pavillon de la Bretagne, mais peu importe, il en fit don à la commune de Seraincourt.

Sur le tableau des Maires le nom d’Henri BLUM apparait 2 fois en 1937 et en 1945, mais entre-temps d’autres noms apparaissent, sur la monographie de Seraincourt 2000 il est indiqué.

28-nov-1937 jusqu’en 1941        Henri BLUM                                                 Maire

11 avril 1941                                   Emile DROUARD                                      délégué dans les fonctions de Maire, suspendu le 22-oct-1943

21-nov-1943                                  Jules CHERON                                          Nommé Maire par le Préfet

18-sep-1944                                  Emile DROUARD                                      Retour d’Henri BLUM

18-fev-1945                                   Emile DROUARD                                      reste légalement Maire

18-mai-1945                                 Henri BLUM                                               Maire jusqu’en octobre 1947

Henri qui avait réussi sa vie sur le plan familial, professionnel et financier était un Homme reconnu de tous par son talent, sa droiture et surtout pas sa générosité, oui mais il était juif et à cette époque, il était obligé de le déclarer officiellement (c’était écrit sur sa carte d’identité) et il devait porter une étoile jaune sur ses beaux habits, c’était certainement très dégradant pour lui, il fut démis de ses fonctions en 1941.

Par arrêté préfectoral du 11 avril 1941, Emile Drouard ; adjoint, est désigné en qualité de délégué pour exercer la plénitude des fonctions de maire de la commune de Seraincourt en remplacement de M. Blum. Par arrêté préfectoral du 22 octobre 1943, « considérant que M. Drouard Emile a fait preuve d’hostilité déclarée à l’égard du gouvernement, est suspendu de ses fonctions, mais dès la libération, un arrêté préfectoral rétablit Emile Drouard dans ses fonctions de maire.

Heureusement, c’est un passé et que nous ne souhaitons plus revoir, les Seraincourtois n’étaient pas responsables de cette décision prise sous l’occupation nazie mais le 18 mai 1945, dans une France libérée qu’ils lui renouvelèrent leur confiance.

  • Henri – BLUM – quel message ?

Henri, aura légué à notre village cet édifice qui est notre mairie, qui bien que n’ayant aucun rapport avec l’architecture du Vexin français nous représente et les Seraincourtois y tiennent beaucoup. Maintenant, chaque fois que nous pénètrerons dans ce bâtiment nous aurons une pensée pour Henri, c’est une façon comme une autre de perpétuer sa mémoire.

Henri, nous a montré que ceux qui réussissent financièrement doivent aider ceux qui sont dans la difficulté c’est leur contribution au devoir de solidarité que nous avons les un envers les autres on appelle cela la FRATERNITE.

Aujourd’hui,dans le monde de l’apparence, ceux qui pensent avoir réussi et qui n’ont d’autre souci que de montrer leur réussite sociale de façon ostentatoire font fausse route, ils devraient suivre l’exemple d’Henri, en effet, l’étalement de la richesse traduit une forme d’incertitude, celui qui expose sa richesse, c’est souvent parce qu’il n’est pas certain de sa légitimité.

Et puis finalement, mes chers Amis, nous ne sommes que poussière d’étoile au milieu de l’univers et ce qui restera de nous c’est ce que nous aurons fait pour les autres, alors suivons l’exemple d’Henri BLUM.

  • Conclusion et proposition

Comme vous le voyez, pour un même sujet « Henri BLUM », suivant l’angle ou on se place, le résultat peut être différent, il en est de même pour tout dans la vie, il suffit de presque rien (mais une bonne dose de travail de recherche quand même) pour rendre à chaque être une dimension hors du commun, pour donner à un évènement un côté merveilleux ou à faire d’un édifice un chef d’œuvre.

Nous restaurerons la Mairie de Seraincourt et nous demanderons son inscription aux monuments historiques.

Bibliographie

www.genealoj.org                                                        Cercle de Généalogie juive

www.avant-train-latil.com                                           Site internet dédié aux véhicules LATIL

www.archivesnationales.culture.gouv.fr                      COMPAGNIE GENERALE D’ENTREPRISES AUTOMOBILES C.G.E.A.

l’Express du Midi édition du 25 avril 1928 élection législatives de l’arrondissement de Gannat (Allier)

L’express du Midi édition du 3 mai 1932                     élection législatives de l’arrondissement de Gannat (Allier)

Monographie de Seraincourt 2000                               Paul Rivière

Bulletin municipal de Seraincourt (sept- 2017)           Article de P. Le Poder

  • tsedaqah signifie  justice ou droiture en hébreu, ci-dessous un extrait du Deutéronome.

Dt 15,7-8 : S’il y a chez toi quelque indigent d’entre tes frères, dans l’une de tes portes, au pays que l’Éternel, ton D.ieu, te donne, tu n’endurciras point ton cœur et tu ne fermeras point ta main devant ton frère indigent. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins.